Le mot du Président : Nous versus eux, ou une seule profession?

16 juil., 2024

Le mot du Président
Nous versus eux, ou une seule profession?

Aucours des trois dernières années, j’ai eu l’occasion de participer à des réunions dans le monde entier avec des collègues de nombreux pays. Dans l’ensemble, notre profession subit des changements comparables partout et est confrontée à des défis communs, malgré quelques particularités régionales.

Personne n’ignore que la consolidation dans le secteur vétérinaire est une réalité à l’échelle mondiale, notamment dans l’Union européenne, aux États-Unis et, plus récemment, au Canada. Ce changement s’est opéré sous diverses formes, notamment par de grandes entreprises d’envergure nationale et internationale qui développent un réseau de cliniques ainsi que par des groupes vétérinaires privés qui poursuivent leur croissance en acquérant des établissements vétérinaires. Presque toutes les pratiques vétérinaires sont constituées en sociétés (« compagnies »), peu importe qui en assume le risque; c’est tout simplement une question d’affaires et d’impôts, et ce n’est pas nouveau.

Je ne m’attarderai pas ici sur le « pourquoi » de ce mouvement et de cette évolution de la propriété au cours des 20 dernières années. Il y a de nombreuses raisons pratiques et c’était prévisible sur le plan des affaires.

Ce phénomène n’est pas propre à la profession vétérinaire – la pharmacie, la médecine dentaire et l’optométrie sont des exemples d’autres secteurs de la santé qui ont connu une évolution similaire bien avant le nôtre.

Dans le cadre de mes efforts pour créer des milieux de travail durables et sains, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gestionnaires vétérinaires d’Europe et d’Amérique du Nord, issus pour la plupart de grandes entreprises, mais aussi d’entreprises vétérinaires plus petites et moins connues. Beaucoup d’organisations vétérinaires s’efforcent continuellement de développer et d’offrir des ressources pour améliorer les conditions de travail et le bien-être des médecins vétérinaires. Nos collègues de la British Veterinary Association et de l’American Veterinary Medical Association sont des chefs de file à cet égard. Des personnes très compétentes qui disposent de moyens importants s’affairent à améliorer les environnements de travail des vétérinaires. L’ACMV s’engage aussi dans cette voie, en tirant des enseignements des expériences de tous ceux qui souhaitent façonner une profession plus forte et plus résiliente, et en soutenant leurs efforts.

Au cours des dernières années, un fossé malsain s’est creusé entre certains membres de notre profession, ce qui donne l’impression d’une division « nous versus eux ». Vous l’avez sans doute perçue dans des offres d’emploi pour des vétérinaires ou des techniciens en santé animale, dans des publications sur les médias sociaux, ou sur des enseignes. Bien sûr, l’esprit entrepreneurial fait partie de l’histoire de notre profession, et nous devrions en être fiers. J’encourage d’ailleurs tous mes collègues à concrétiser leurs rêves et à bâtir des pratiques et des entreprises prospères. Cependant, nous devons faire attention au message que nous véhiculons, pour notre propre bien-être et celui de nos pairs.

La position « nous versus eux » laisse entendre que l’un des deux camps est meilleur que l’autre et fait abstraction des raisons pour lesquelles de nombreux changements ont eu lieu au cours des dernières décennies en médecine vétérinaire. Elle insinue que les petites entreprises vétérinaires ou les entreprises privées sont de meilleurs endroits où pratiquer, ce qui ne tient pas compte des efforts considérables déployés à l’échelle mondiale pour améliorer les environnements de travail et le bien-être des patients. Certes, l’histoire et notre propre expérience nous montrent qu’il existe à la fois des lieux de travail formidables et d’autres qui doivent être améliorés, indépendamment de la taille de l’entreprise ou du type de propriétaire. En réalité, c’est plutôt la culture d’entreprise qui contribue à l’expérience vécue en milieu de travail. Au cours des dernières années, j’ai vu des vétérinaires motivés et entreprenants créer de nouvelles pratiques dans diverses structures de propriété, et tous partageaient une volonté commune de servir et de réussir.

Notre profession offre des services, et les pressions financières et sociales pèsent autant sur les petites cliniques que sur les grands hôpitaux. Il y a un principe de base pour qu’une pratique soit rentable : on peut voir plus de patients, ou générer plus de revenus avec chaque patient. Dans les deux cas, peu importe le modèle, les pratiques doivent être en mesure de payer leurs factures. Si elles n’y parviennent pas, il sera difficile de maintenir un climat de travail agréable, et il sera encore plus ardu pour la profession d’être financièrement en santé et pour nos équipes de bien se porter.

J’ai bon espoir que les milieux de travail vont continuer de s’améliorer, car les pratiques vétérinaires, petites et grandes, s’efforcent de faire progresser leur culture d’entreprise et de promouvoir notre mission au service de la société. Les grandes pratiques offrent déjà un soutien important aux plus petites, souvent sous la forme de centres régionaux de référence et de spécialité, malgré les divisions et les différences.

On sait depuis longtemps que nos équipes sont plus fortes lorsqu’elles sont unies, lorsque chacun de leurs membres cherche véritablement à se perfectionner, et lorsque tous mettent l’épaule à la roue pour aller dans la même direction. L’adage « l’union fait la force » attribué à Ésope remonte à plus de 2000 ans et est aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’a été à tant de moments cruciaux de l’histoire. Je vous invite donc à réfléchir au rôle que vous jouez dans notre force collective, en vous soutenant les uns les autres et en construisant une profession plus résiliente.

« Si vous restez unis, vous serez invincibles à vos ennemis; mais si vous êtes divisés, vous serez faciles à vaincre. »

Les enfants désunis du laboureur,
Ésope, 6e siècle av. J.-C.

Trevor Lawson