Accès aux soins vétérinaires au Canada

décembre 11, 2024

Les facteurs qui influent sur l’accès aux soins vétérinaires sont complexes, interdépendants et très dynamiques, et ils continueront d’évoluer après la publication du présent énoncé de position. À l’heure actuelle (2024), les membres de la profession vétérinaire et les gens du public sont de plus en plus conscients de l’existence d’obstacles qui restreignent l’accès aux soins vétérinaires. Bien que des stratégies visant à corriger la situation soient en cours d’élaboration, un effort concerté plus important est nécessaire de la part des parties prenantes pour améliorer l’accès aux soins, et il faudra vraisemblablement attendre plusieurs années avant que des changements significatifs ne soient observés. L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) conseille aux lecteurs de se tenir au courant de l’évolution des efforts déployés pour améliorer l’accès aux soins vétérinaires en consultant des sources d’information fiables, notamment les associations vétérinaires nationales et provinciales/territoriales et les organismes de réglementation.

Position

L’ACMV estime que les obstacles restreignant l’accès aux soins vétérinaires ont créé une crise qui a des répercussions négatives sur la santé et le bien-être des animaux ainsi que sur le bien-être des Canadiens. On s’attend à ce que cette crise se poursuive pendant plusieurs années et à ce qu’elle s’aggrave si des mesures déterminantes ne sont pas prises. L’ACMV encourage vivement la profession vétérinaire, les organismes de réglementation vétérinaire, les gouvernements, les établissements d’enseignement et les autres parties prenantes à agir d’urgence pour collaborer afin d’élaborer des stratégies à court, moyen et long terme et de mettre en oeuvre des plans d’action coordonnés visant à éliminer les obstacles, à améliorer l’accès aux soins et à réduire les risques pour les humains et les animaux.

Sommaire

  • Les soins vétérinaires sont essentiels dans le cadre des concepts « Une seule santé » et « Un seul bien-être » et contribuent à atténuer les risques et à optimiser les bienfaits pour la santé des humains, des animaux et des écosystèmes, ainsi que pour le bien-être des êtres humains et des animaux.
  • Des services vétérinaires facilement accessibles sont nécessaires pour toutes les espèces animales dont les humains s’occupent afin de protéger et de maintenir la santé et le bien-être des animaux et des humains et de préserver l’innocuité des aliments et la sécurité alimentaire au Canada.
  • L’accès aux soins vétérinaires est reconnu comme un problème complexe; de multiples facteurs interdépendants contribuent au degré et à la nature de l’accessibilité des soins pour les individus, les populations ou les communautés.
  • Il existe de nombreux obstacles aux soins qui ont été identifiés et classés globalement dans ce document en deux catégories : les obstacles vétérinaires et les obstacles individuels ou communautaires.
  • Les médecins vétérinaires devraient envisager les options énumérées ci-après pour améliorer l’accès aux soins, notamment en collaborant avec leurs associations professionnelles et les organismes de réglementation concernés pour éliminer les obstacles vétérinaires mentionnés dans le présent document.
  • Les gardiens d’animaux et les groupes pertinents, tels que les associations de producteurs et d’agriculteurs ou les associations d’activités sportives impliquant des animaux, devraient prendre en considération les recommandations énumérées dans le présent document, comme établir des relations avec des médecins vétérinaires ou des pratiques vétérinaires et explorer des moyens potentiels d’améliorer l’accès aux soins par des actions individuelles et collectives.

Contexte

  1. Dans le cadre du présent énoncé de position, l’ACMV définit l’accès aux soins vétérinaires comme la condition durable consistant à disposer des ressources économiques, physiques, sociales, mentales et émotionnelles nécessaires qui permettent de consulter un fournisseur de soins vétérinaires de confiance et d’avoir recours à ses services au besoin afin d’optimiser la santé et le bien-être des animaux (1).
  2. Les soins vétérinaires sont essentiels dans le cadre des concepts « Une seule santé » et « Un seul bien-être » (2) et contribuent à atténuer les risques et à optimiser les bienfaits pour la santé des humains, des animaux et des écosystèmes, ainsi que pour le bien-être des humains et des animaux (3), y compris les animaux domestiques et les animaux sauvages en liberté ou en captivité. La production d’aliments et la sécurité alimentaire à l’échelle nationale et mondiale dépendent fortement d’un accès adéquat aux services vétérinaires pour les petits et grands troupeaux d’animaux destinés à la production d’aliments, et apportent un soutien essentiel à l’économie locale, régionale et nationale (4).
  3. Les objectifs de développement durable des Nations unies reposent sur une action ambitieuse et urgente dans plusieurs secteurs pour soutenir et protéger la santé et le bien-être des animaux, car la santé et le bien-être des animaux sont des éléments cruciaux pour relever les défis associés à l’atteinte des 17 objectifs cités (5).
  4. Les autorités des provinces et territoires du Canada ont reconnu, tout comme la World Veterinary Association (WVA) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), que les soins vétérinaires étaient des services essentiels pendant la pandémie de COVID-19 (6,7).
  5. L’accès aux soins de santé pour les humains au Canada est gravement inadéquat, avec des urgences surchargées, de longs délais d’attente pour les interventions chirurgicales, et de nombreuses personnes incapables d’avoir un médecin de famille (8). L’accès aux soins vétérinaires est tout aussi insuffisant et critique, étant donné que beaucoup de personnes, de familles et même de communautés entières au Canada ne sont pas en mesure d’obtenir des soins pour leurs animaux lorsqu’ils en ont besoin (9).
  6. L’accès aux soins vétérinaires est reconnu comme un problème complexe (10); de multiples facteurs interdépendants contribuent au degré et à la nature de l’accessibilité dont les individus, les populations ou les communautés bénéficient. Beaucoup de professionnels vétérinaires subissent un stress important dans le cadre de leur pratique actuelle en raison de la pénurie relative ou absolue de main-d’oeuvre. Par conséquent, l’ACMV estime que les efforts visant à améliorer l’équité en matière d’accès aux soins ne doivent pas ajouter aux pressions que subissent les professionnels vétérinaires, déjà surchargés de travail. Il est impératif d’adopter des approches stratégiques pour gérer à la fois les pressions qui s’exercent actuellement sur les professionnels vétérinaires et les obstacles complexes à l’accès aux soins auxquels sont confrontés les gardiens d’animaux dans tout le Canada.
  7. Les animaux de compagnie, les animaux exotiques et les animaux de ferme dont s’occupent les humains doivent bénéficier de soins vétérinaires pour protéger et maintenir leur santé et leur bien-être ainsi que la santé et le bien-être des humains, et pour assurer l’innocuité des aliments et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire du Canada (11). Que les animaux vivent chez des particuliers, dans des institutions, dans des refuges ou collectivement dans des communautés, l’accès aux services vétérinaires est souvent déterminé par le niveau de revenu, les conditions de vie et les contextes géographiques et culturels des personnes qui s’occupent d’eux (12). L’ACMV reconnaît la nécessité de tenir compte de ces différents facteurs lors de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’initiatives en matière d’accès aux soins.
  8. Les personnes et les communautés marginalisées par une oppression systémique expriment fréquemment un lien très fort avec leurs animaux (13-16), citant souvent la nature salvatrice du lien entre l’humain et l’animal dans leur vie (17,18). Les effets sur la santé des obstacles limitant l’accès aux soins vétérinaires dans les populations opprimées sont aggravés par les effets disproportionnés des changements climatiques et d’autres phénomènes environnementaux ou systémiques sur ces groupes (19,20). L’ACMV reconnaît le rôle essentiel des professionnels vétérinaires dans la gestion stratégique des changements climatiques et de l’équité en matière d’accès aux soins, afin d’atténuer les effets néfastes cumulatifs sur la santé des populations marginalisées (21).
  9. L’ACMV estime que l’évolution des structures de prestation des soins vétérinaires et des modèles de pratique est une occasion d’aborder la question de l’accès aux soins de façon collective et multimodale. L’introduction de services de télésanté, de télémédecine et de télétriage permet aux personnes vivant en région éloignée d’accéder à certains services et d’établir des relations avec des pratiques vétérinaires en l’absence de soins disponibles localement. Les groupes de praticiens des zones rurales peuvent rendre les produits pharmaceutiques destinés aux animaux de ferme plus accessibles en adhérant à des regroupements d’achats à grande échelle. Les organismes à but non lucratif et ceux qui se consacrent à la protection des animaux sont depuis longtemps en première ligne pour améliorer l’accès aux soins, et dépendent souvent de dons et de subventions à court terme pour accomplir leur travail. Les groupes de praticiens s’occupant d’animaux de compagnie intègrent de plus en plus l’action communautaire et l’engagement philanthropique dans leurs modèles d’entreprise, ce qui permet une distribution plus large des produits et des services aux individus, aux populations et aux communautés mal desservis par la profession. Cette expansion des soins vétérinaires socialement responsables dans le secteur à but lucratif est encourageante et peut contribuer à un changement significatif en matière d’équité pour l’accès aux soins au Canada.
  10. L’ACMV considère que les facteurs ci-dessous sont des obstacles importants à l’accès aux soins vétérinaires. La plupart sont présentés avec des pistes de solution à envisager dans le cadre des efforts déployés pour les éliminer.
    1. Obstacles vétérinaires
      1. Sélection des étudiants en médecine vétérinaire et en techniques de santé animale : De nombreux auteurs indiquent qu’une plus grande diversité au sein de la profession vétérinaire pourrait atténuer les obstacles fondés sur la confiance ou la compétence culturelle qui nuisent à l’accès aux soins vétérinaires pour les populations racialisées ou autrement marginalisées (1,9,22,23). Les conditions d’admission en médecine vétérinaire et en techniques de santé animale au Canada comprennent invariablement une expérience démontrée de travail avec les animaux et d’observation de la pratique de la médecine vétérinaire. Pour les personnes dont les familles n’ont pas facilement accès aux soins vétérinaires, cette exigence peut être difficile, voire impossible à satisfaire (24). Le manque de médecins vétérinaires en milieu rural et en pratique mixte et des grands animaux est criant, et les tendances actuelles en matière d’emploi des nouveaux diplômés indiquent une préférence marquée pour la pratique en milieu urbain et/ou des animaux de compagnie (24,25). Une diversification des critères de sélection pour améliorer l’accès aux soins en milieu rural prodigués par des médecins vétérinaires en pratique mixte ou des grands animaux a récemment été mise en oeuvre dans certaines facultés de médecine vétérinaire (25). La généralisation de cette approche pour sélectionner des candidats plus enclins à travailler dans des communautés, des régions et des localités mal desservies pourrait améliorer considérablement l’accès aux soins au Canada.
      2. Pénurie de main-d’oeuvre : La pénurie actuelle de professionnels vétérinaires n’est pas une situation propre au Canada et, compte tenu de la compétitivité du marché des professionnels vétérinaires dans le monde entier, le Canada doit s’attaquer d’urgence à cette pénurie nationale. De plus, la littérature indique que la pénurie actuelle devrait s’accentuer et se maintenir dans les années à venir (26-29). Les pénuries de professionnels vétérinaires sont à la fois relatives et absolues, avec notamment des déséquilibres entre l’offre et la demande liés à l’évolution de la nature de la pratique vétérinaire vers une approche plus centrée sur le client, qui se traduit par une augmentation du temps consacré à chaque consultation et par une diminution du nombre de patients pris en charge par chaque praticien (30). La sous-utilisation des techniciens en santé animale et la sous-estimation de leurs compétences contribuent également à une pénurie relative dans de nombreuses pratiques (31,32). Des pressions supplémentaires sont ressenties par les médecins vétérinaires en pratique des animaux de ferme, qui doivent de plus en plus parcourir de longues distances pour se rendre chez leurs clients.
      3. Augmentation du nombre de patients en pratique des animaux de compagnie : La hausse des adoptions d’animaux de compagnie au cours de la pandémie de COVID-19 a entraîné une pression accrue sur les médecins vétérinaires de ce secteur, contribuant à accroître les expériences d’accès inadéquat aux soins, même dans les régions où des services sont disponibles localement (33).
      4. Bien-être des professionnels vétérinaires : Il est largement reconnu que les membres de l’équipe vétérinaire sont confrontés à beaucoup de facteurs de stress et de risques professionnels qui peuvent affecter la santé mentale, notamment le stress chronique, la détresse morale, l’usure de compassion et l’épuisement professionnel (34,35). Ces problèmes contribuent à l’absentéisme, à l’invalidité et à l’attrition, et aggravent ainsi la pénurie de main-d’oeuvre (36,37). Travailler dans des environnements où on s’expose à des défis inévitables, comme des dilemmes fréquents sur le coût des soins et des patients difficiles à manipuler et à gérer, peut épuiser la santé mentale individuelle et collective et faire augmenter les risques de blessures et d’affections physiques, mentales et psychologiques (38-40).
      5. Adaptation de la pratique à la réalité sur le terrain : Ce ne sont pas tous les praticiens ou établissements qui sont formés ou équipés pour offrir un large éventail d’options du continuum des soins, ce qui peut faire en sorte que certains clients ne sont pas en mesure d’accéder aux options de traitement limitées qui leur sont offertes pour des raisons financières ou pratiques. Le continuum des soins désigne la gamme des options diagnostiques et thérapeutiques acceptables, fondées sur des données probantes, disponibles pour un patient ou un cas donné (41). Une approche fondée sur le continuum des soins peut aplanir les obstacles à l’accès aux soins qui se dresseraient si l’on privilégiait une approche plus étroite des soins (41,42). Au moins un organisme d’agrément provincial s’est prononcé en faveur de l’accessibilité, en affirmant que l’adaptabilité et la souplesse dans la pratique de la médecine vétérinaire sont essentielles pour garantir au public un accès continu à des soins vétérinaires sûrs et efficaces (43).
      6. Communication et barrières interculturelles : Les médecins vétérinaires ne sont pas toujours en mesure de communiquer efficacement avec tous les types de clients, ce qui peut nuire à l’accessibilité des soins prodigués. Les professionnels vétérinaires ont besoin d’une formation et de compétences en matière de communication clinique de base et de connexion interculturelle pour améliorer la prestation de soins individualisés et adaptés au contexte (41,44). Des démonstrations claires d’empathie et d’engagement en faveur d’une approche centrée sur la relation avec le client au sein des équipes vétérinaires améliorent l’accessibilité fonctionnelle des soins pour un large éventail de clients (23,45).
      7. Rétrécissement du champ de pratique : B ien que les écoles vétérinaires du Canada forment des professionnels capables de travailler avec plusieurs espèces animales courantes, le champ de pratique des vétérinaires finit souvent par se limiter aux espèces couramment rencontrées dans un cadre de pratique individuel. Par conséquent, il est rare que des praticiens aient l’expertise ou l’aisance nécessaire pour traiter des espèces qui ne font pas partie de leur population de patients habituelle (46,47). Lorsque les médecins vétérinaires ne disposent pas de l’équipement ou de la confiance nécessaires pour traiter des animaux n’appartenant pas aux espèces qu’ils traitent normalement, ou lorsque les conditions de leur permis d’exercice les empêchent de le faire, il y a des obstacles à l’accès aux soins même si des services sont disponibles localement pour d’autres espèces.
      8. Accès aux services en dehors des heures ouvrables : Dans certaines régions, l’accès aux services vétérinaires peut ne pas être possible en dehors des heures de travail normales, ce qui crée des obstacles à l’accès aux soins (48) tant pour les animaux de compagnie que pour les grands animaux. L’impossibilité d’avoir accès à des services à certaines heures de la journée ou certains jours de la semaine reflète un décalage entre les attentes des clients, les besoins des animaux en matière de soins de santé, et la nécessité pour les professionnels vétérinaires de trouver un équilibre viable entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
      9. Obstacles réglementaires : La réglementation en médecine vétérinaire est essentielle pour la protection de la santé et du bien-être des animaux, du public et de l’environnement. Au Canada, elle relève de la compétence de chaque province et territoire, et varie donc d’un bout à l’autre du pays. Bien que de nombreux organismes de réglementation vétérinaire aient préconisé une certaine souplesse dans l’application de la réglementation dans leur province ou territoire, la réglementation peut tout de même contribuer à l’apparition d’obstacles en limitant la pratique et le contexte de la prestation des soins en dehors du cadre traditionnel de l’exercice de la profession. Par conséquent, l’ACMV encourage les organismes de réglementation à réfléchir à leur rôle dans la réduction ou l’élimination des obstacles à l’accès aux soins vétérinaires en apportant des changements à la réglementation et aux politiques existantes. Par exemple, on pourrait envisager le soutien de nouvelles approches plus flexibles des soins (y compris l’utilisation de technologies telles que la télésanté, la télémédecine et le télétriage), des programmes de vaccinateurs non vétérinaires, des initiatives de cliniques temporaires pour animaux de compagnie en région éloignée, des cliniques communautaires de courte durée, et la délégation de tâches aux techniciens en santé animale. En outre, l’ACMV propose l’examen critique des contraintes imposées par les instances de surveillance des événements sportifs ou spéciaux qui empêchent la prestation de soins par des professionnels vétérinaires ne faisant pas partie de leurs membres.
    2. Obstacles individuels ou communautaires
      1. Coût : Le coût des soins vétérinaires est souvent désigné comme l’obstacle le plus important à l’accès aux soins pour les animaux de compagnie (1,9,49), et l’augmentation du coût des soins au Canada a dépassé l’inflation chaque année depuis 2007 (30). Des tendances comme le développement de méthodes diagnostiques et de traitements avancés et la croissance de la pratique des spécialistes contribuent à l’augmentation des coûts et à la diminution de l’accès aux soins (50). Au-delà du coût des soins, les personnes vivant en situation de pauvreté sont confrontées à des obstacles supplémentaires et cumulatifs pour accéder aux services vétérinaires, ce qui souligne la nécessité d’une plus grande acceptation et d’un soutien réglementaire de nouveaux modèles de prestation de soins (9,12).
      2. Emplacement géographique : La distance constitue un obstacle important à l’accès aux soins vétérinaires. De vastes régions du pays sont peu peuplées et ne disposent d’aucun service vétérinaire local ou régional. Même en l’absence d’autres obstacles, l’éloignement géographique et/ou le manque de moyens de transport constituent des défis majeurs pour l’accès aux services (9,12,51). Les obstacles géographiques peuvent être partiellement surmontés si l’établissement d’une relation vétérinaire-client-patient par le recours aux technologies de télémédecine est autorisé par les organismes de réglementation provinciaux, permettant ainsi aux praticiens d’utiliser plus efficacement cette approche pour améliorer l’accès aux soins.
      3. Connaissances en matière de santé : Les connaissances en matière de santé des gardiens d’animaux influencent non seulement leur conscience de l’importance et du rôle des soins vétérinaires, mais aussi leur capacité à comprendre les recommandations des professionnels vétérinaires s’ils ont recours aux services disponibles (9,14,23,45).
      4. Langue, culture et histoire : Au Canada, les gardiens d’animaux dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais peuvent rencontrer des obstacles à l’accès aux soins si les services ne sont pas offerts dans leur langue maternelle (14,23,45). Étant donné l’homogénéité culturelle et raciale des professionnels vétérinaires en Amérique du Nord (52,53), les gardiens d’animaux d’origines raciales, religieuses, culturelles ou autres différentes peuvent ressentir un écart entre leurs valeurs et pratiques individuelles en matière de soins aux animaux et celles qui sont jugées acceptables ou adéquates par les professionnels vétérinaires (9,14). Le passé colonialiste du Canada et l’oppression systémique des peuples autochtones au pays peuvent représenter des obstacles supplémentaires à l’accès aux soins vétérinaires pour cette population, en raison d’une méfiance envers les prestataires de soins de santé et les autres intervenants non autochtones, et des limites réelles ou perçues de l’autodétermination au sein du système de santé (9,12).
      5. Installations inadéquates à la ferme : Les médecins vétérinaires en pratique des grands animaux sont souvent confrontés à des dangers pour leur sécurité personnelle dus à l’absence d’installations ou d’équipements de manipulation et de contention adéquats à la ferme. Les blessures et les facteurs de stress associés à ces dangers réduisent le bien-être en milieu de travail et contribuent à la pénurie absolue de main-d’oeuvre en raison de l’absentéisme (54).
  11. Conseils pour les professionnels vétérinaires
    L’ACMV propose les conseils suivants aux professionnels vétérinaires, y compris les médecins vétérinaires et les techniciens en santé animale, ainsi qu’aux institutions qui soutiennent la profession vétérinaire.
    1. Les médecins vétérinaires devraient travailler de concert avec leurs associations professionnelles et les organismes gouvernementaux compétents pour tenter de réduire ou d’éliminer les obstacles vétérinaires décrits ci-dessus.
    2. Les propriétaires et les gestionnaires de pratiques vétérinaires sont invités à créer et à maintenir des environnements qui favorisent un équilibre positif entre la vie professionnelle et la vie personnelle, ainsi qu’une culture d’entreprise psychologiquement sécuritaire et saine, afin de promouvoir le bien-être au travail, de retenir les employés et de réduire l’attrition.
    3. Les propriétaires et les gestionnaires de pratiques vétérinaires sont encouragés à soutenir l’utilisation efficace des techniciens en santé animale en mettant à profit toutes leurs compétences professionnelles.
    4. Il est recommandé de donner la priorité au mentorat et d’offrir aux médecins vétérinaires et aux techniciens en santé animale la possibilité de s’engager dans des activités communautaires dans le cadre de leur travail rémunéré.
    5. Les parties prenantes des organismes de réglementation et des établissements d’enseignement sont invitées à continuer d’explorer des voies créatives pour la délivrance du permis d’exercice aux diplômés formés à l’étranger afin de renforcer les effectifs du secteur vétérinaire.
    6. Les législateurs fédéraux et provinciaux/territoriaux devraient être plus conscients de l’impact sur la santé publique d’un accès inadéquat aux soins vétérinaires et s’en préoccuper davantage, et agir dans le cadre de leur champ de compétence afin de réduire ou d’éliminer les obstacles.
    7. Les professionnels vétérinaires sont encouragés à rechercher des occasions de s’engager auprès des populations et des communautés mal desservies par l’échange de connaissances et la prestation de services afin d’établir des relations et des voies d’accès pour ces groupes vers les professionnels vétérinaires et d’autres prestataires de services de santé animale.
    8. La télésanté, la télémédecine et le télétriage peuvent contribuer à améliorer l’accès aux soins et sont particulièrement efficaces si la relation vétérinaire-client-patient peut être établie à distance, lorsque cela est approprié (55). Les vétérinaires sont encouragés à tisser des liens avec les organisations qui fournissent des soins dans les communautés éloignées.
    9. Les médecins vétérinaires devraient pratiquer, accepter, soutenir et promouvoir une variété de modèles de soins dans l’ensemble du continuum des soins et souligner l’importance des soins préventifs auprès de tous les clients.
    10. Les médecins vétérinaires devraient chercher à se perfectionner dans des domaines susceptibles de réduire les obstacles qui restreignent l’accès aux soins, tels que l’humilité culturelle, les soins tenant compte des traumatismes, le continuum des soins et la résolution des conflits.
    11. Les propriétaires et les gestionnaires de pratiques vétérinaires sont encouragés à se familiariser avec la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail (56) et à mettre en oeuvre des stratégies en fonction de leur situation actuelle.
  12. Conseils pour le public
    L’ACMV propose les conseils suivants au grand public, notamment aux gardiens d’animaux.
    1. Les gardiens d’animaux qui se heurtent à des obstacles qui limitent l’accès aux soins vétérinaires devraient chercher à établir des relations avec des médecins vétérinaires et des pratiques vétérinaires et explorer des moyens possibles d’améliorer l’accès à ces soins.
    2. Les membres du public affectés ou préoccupés par les obstacles à l’accessibilité des soins devraient s’adresser aux élus municipaux et provinciaux/territoriaux de leur région pour plaider en faveur d’un changement significatif.
    3. Les clients sont encouragés à agir de façon proactive et à suivre les conseils des professionnels vétérinaires pour préserver la santé de leurs animaux tout au long de leur vie et avoir moins besoin de recourir à des soins urgents ou intensifs pour des problèmes de santé évitables.
    4. Les gardiens d’animaux devraient reconnaître qu’une relation vétérinaire-client-patient valide, conforme à la réglementation locale, doit être mise en place avant de recevoir des soins vétérinaires. Dans plusieurs régions du Canada, cette relation peut être établie grâce aux technologies de télémédecine.
    5. Les responsables d’associations nationales de producteurs et d’agriculteurs sont encouragés à contacter les autorités provinciales et fédérales pour souligner l’importance de l’accès aux soins vétérinaires et aux médicaments vétérinaires pour la santé et le bien-être des animaux destinés à la production d’aliments au Canada.
    6. Les membres du public qui en ont les moyens devraient envisager de soutenir les entités publiques et à but non lucratif qui fournissent des soins vétérinaires aux familles, aux individus et aux communautés qui se heurtent à des obstacles limitant leur accès aux soins.
    7. Les gardiens d’animaux sont encouragés à souscrire une assurance médicale pour animaux dès le début de la vie de leurs animaux afin de rendre les soins vétérinaires plus accessibles financièrement, en particulier lorsque des soins d’urgence ou imprévus sont nécessaires.

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