Capture et acquisition d’animaux sauvages pour en faire le commerce en tant qu’animaux de compagnie

août 13, 2024

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) s’oppose à la capture et à l’acquisition d’animaux sauvages destinés à être vendus ou gardés comme animaux de compagnie et soutient une approche à plusieurs volets de la sensibilisation et de la réglementation pour contrer la demande et le commerce d’animaux sauvages.

Sommaire

  • Une proportion importante des animaux sauvages capturés pour le marché des animaux de compagnie sont blessés ou meurent lors de la capture ou du transport.
  • Beaucoup d’espèces sauvages capturées ne s’adaptent pas bien à la captivité et ne conviennent pas comme animaux de compagnie, ce qui soulève des préoccupations en matière de bien-être et d’éthique.
  • L’exploitation des animaux sauvages constitue une menace importante pour la biodiversité locale et mondiale.
  • Les pratiques de capture peuvent provoquer des dommages importants aux habitats, et blesser ou tuer sans distinction des espèces ciblées ou non ciblées.
  • Le commerce mondial non réglementé d’animaux sauvages peut contribuer à l’introduction de maladies animales exotiques, de zoonoses et d’espèces envahissantes, ce qui peut avoir des effets néfastes sur les communautés locales, la faune indigène et les écosystèmes.
  • La réglementation à l’échelle fédérale et provinciale concernant l’importation et la commercialisation d’animaux non indigènes doit être étoffée, révisée pour en assurer l’efficacité et la pertinence relativement aux tendances actuelles, et appliquée.

Contexte

  1. Des millions de vertébrés et d’invertébrés sont capturés et commercialisés chaque année, et ce trafic est en grande partie non réglementé et/ou illégal. La capture d’animaux sauvages pour en faire le commerce en tant qu’animaux de compagnie est un problème mondial touchant les concepts « Une seule santé » et « Un seul bien-être » qui a un impact sur la santé et le bien-être des animaux, qui affecte les écosystèmes, et qui pose un risque important pour la santé humaine.
  2. L’acquisition et la commercialisation d’animaux sauvages en tant qu’animaux de compagnie entraînent souvent des risques pour le bien-être de ces animaux liés à leur capture, à leur manipulation, à leur transport et à leur captivité. Une grande proportion (jusqu’à 80 %) des animaux sauvages capturés pour le marché des animaux de compagnie sont blessés ou meurent pendant la capture et le transport, et d’autres ne s’adaptent jamais à la vie en captivité (1-13).
    1. La capture présente un risque de blessure pour les animaux et les humains impliqués.
    2. Les conditions de manipulation, de logement et de transport des animaux sauvages capturés posent souvent des problèmes relatifs au bien-être et à l’éthique.
    3. Les animaux sauvages ont évolué pour s’épanouir dans leur environnement naturel. Ceux qui sont capturés sont souvent incapables de s’acclimater à la captivité dans un environnement domestique humain et ne conviennent généralement pas en tant qu’animaux de compagnie.
    4. Il y a peu de renseignements et de formations disponibles sur les besoins spécifiques de nombreuses espèces d’animaux sauvages (particularités propres à ces espèces concernant les manipulations, les soins optimaux, les besoins physiologiques et comportementaux, les structures sociales et la nutrition). Ce manque d’information se traduit par des soins sous-optimaux et la mort prématurée ou l’abandon de nombreux animaux sauvages gardés dans des lieux de captivité non accrédités.
  3. L’exploitation des animaux sauvages pour en faire le commerce en tant qu’animaux de compagnie a des répercussions importantes sur la biodiversité, endommage et détruit des habitats, et menace les communautés locales et mondiales qui bénéficient directement ou indirectement de la santé des écosystèmes (1-7).
    1. La capture et le retrait d’animaux de leur milieu naturel pour en faire le commerce en tant qu’animaux de compagnie se font souvent sans connaître les seuils critiques de population de leur espèce ou les risques potentiels pour les écosystèmes dont ils sont retirés.
    2. L’importation illégale se soldant par la libération accidentelle ou intentionnelle d’animaux sauvages non indigènes menace les écosystèmes, les espèces indigènes et la population humaine par l’introduction d’espèces envahissantes, de maladies animales exotiques et de zoonoses.
    3. La libération intentionnelle ou accidentelle d’animaux non indigènes peut avoir des effets catastrophiques sur la faune locale. Par exemple, la tortue à oreilles rouges, une espèce de tortue envahissante au Canada et dans d’autres parties du monde, peut supplanter les espèces de tortues locales et leur transmettre des maladies. Un autre exemple marquant est celui du python birman, qui est maintenant présent sur plus de mille kilomètres carrés dans le sud de la Floride (y compris dans l’ensemble du parc national des Everglades et dans des zones situées au nord comme la réserve nationale de Big Cypress) et qui continue d’avoir un impact considérable sur la population locale de mammifères et d’alligators.
  4. La capture d’espèces aquatiques peut entraîner la destruction de leurs habitats, en plus de blesser ou de tuer sans distinction des espèces ciblées ou non ciblées (poissons tropicaux et coraux, par exemple) (14-17).
    1. La pêche au cyanure est reconnue comme un facteur majeur de la destruction des récifs coralliens. Cette méthode consiste à libérer du cyanure de sodium concentré dans une zone donnée afin d’étourdir les poissons et de faciliter leur capture. La forte concentration et l’application incontrôlée du produit peuvent tuer les poissons ciblés et non ciblés, ainsi que les coraux.
      b. Le cyanure résiduel peut contribuer à des taux élevés de mortalité tardive chez les poissons, et entraîner de la souffrance et une diminution de leur bien-être.
  5. Le commerce mondial non réglementé d’animaux sauvages peut contribuer à l’introduction d’espèces non indigènes envahissantes et de maladies animales exotiques, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur l’économie et la santé publique (1,3,13,18-21).
    1. Beaucoup d’espèces concernées sont considérées comme des espèces menacées par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) (22). Bien que la CITES offre certaines protections réglementaires, elle n’inclut pas toutes les espèces menacées d’extinction.
    2. Des contrôles réglementaires plus stricts et des mesures dissuasives à l’égard de la commercialisation et de la propriété privée d’animaux sauvages sont nécessaires. La
      réglementation fédérale sur l’importation d’animaux non indigènes doit être étoffée, révisée, mise en oeuvre et pleinement appliquée, et les réglementations provinciales concernant les espèces acceptables en tant qu’animaux de compagnie doivent être uniformisées. 
    3. Le processus d’importation et de distribution implique souvent des conditions de logement à forte densité et des regroupements non naturels d’espèces, ce qui permet la transmission interespèces et l’amplification d’agents pathogènes connus et inconnus, qui peuvent être zoonotiques. La transmission de la variole du singe par des rongeurs importés de Gambie à des chiens de prairie et l’épidémie zoonotique qui s’en est suivie en Amérique du Nord en est un exemple (23). À l’heure actuelle, la surveillance des maladies est minimale pour les animaux importés légalement et à des fins non agricoles.
  6. L’ACMV appuie les efforts déployés à l’échelle mondiale pour lutter contre le commerce illégal d’animaux sauvages par une approche à plusieurs volets comprenant :
    1. des campagnes locales, nationales et internationales d’éducation et de sensibilisation du public à l’intention des acheteurs et des vendeurs;
    2. des accords internationaux coordonnés et renforcés;
    3. l’harmonisation et l’application efficace de la réglementation à l’échelle nationale, y compris en ce qui concerne l’importation d’espèces non indigènes pour en faire des animaux de compagnie;
    4. des activités de conservation nationales et internationales efficaces qui gèrent et préviennent les impacts sur la biodiversité et protègent les espèces indigènes canadiennes;
    5. le développement d’autres sources de revenus durables pour les communautés d’origine des animaux sauvages;
    6. la poursuite du développement, du catalogage et de l’utilisation d'outils médico-légaux fondés sur l’ADN, comme les marqueurs et codes-barres génétiques ainsi que et les technologies moléculaires, à l’échelle internationale afin de lutter contre le commerce illégal d’espèces sauvages.

Références

  1. Mozer A, Prost S. An Introduction to Illegal Wildlife Trade and its Effects on Biodiversity and Society. Forensic Science International: Animals and Environments 2023:100064. En ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666937423000021 (dernière consultation le 27 mai 2023).
  2. Baker SE, Cain R, Van Kesteren F, Zommers ZA, D'cruze N, Macdonald DW. Rough trade: Animal welfare in the global wildlife trade. BioScience 2013;63:928-938. En ligne : https://academic.oup.com/bioscience/article/63/12/928/2364858 (dernière consultation le 27 mai 2023).
  3. Macdonald DW, Harrington LA, Moorhouse TP, D’Cruze N. Trading animal lives : ten tricky issues on the road to protecting commodified wild animals. BioScience 2021;71(8):846-60. En ligne : https://academic.oup.com/bioscience/article/71/8/846/6213243?login=false (dernière consultation le 21 juillet 2023).
  4. Auliya M, Altherr S, Ariano-Sanchez D, et al. Trade in live reptiles, its impact on wild populations, and the role of the European market. Biological Conservation 2016;204:103-119. En ligne : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320716301987 (dernière consultation le 27 mai 2023).
  5. Green J, Coulthard E, Megson D, Norrey J, Norrey L, Rowntree JK, Bates J, Dharmpaul B, Auliya M, D’Cruze N. Blind trading: a literature review of research addressing the welfare of ball pythons in the exotic pet trade. Animals 2020;10(2):193. En ligne : https://www.mdpi.com/2076-2615/10/2/193 (dernière consultation le 17 juin 2023).
  6. Hughes AC, Marshall BM, Strine CT. Gaps in global wildlife trade monitoring leave amphibians vulnerable. ELife 2021;10:e70086. En ligne : https://elifesciences.org/articles/70086 (dernière consultation le 14 juillet 2023).
  7. Marshall BM, Strine C, Hughes AC. Thousands of reptile species threatened by under-regulated global trade. Nature communications 2020;11(1):4738. En ligne : https://www.nature.com/articles/s41467-020-18523-4 (dernière consultation le 14 juillet 2023).
  8. Ashley S, Brown S, Ledford J, et al. Morbidity and mortality of invertebrates, amphibians, reptiles, and mammals at a major exotic companion animal wholesaler. J Appl Anim Welfare Sci 2014;17:308-321. En ligne : http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10888705.2014.918511 (dernière consultation le 27 mai 2023).
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  11. Association canadienne des médecins vétérinaires. Garde d’animaux sauvages (indigènes ou exotiques) comme animaux de compagnie. En ligne : https://www.veterinairesaucanada.net/politiques-et-rayonnement/enonces-de-position/enonces/garde-d-animaux-sauvages-indigenes-ou-exotiques-comme-animaux-de-compagnie/ (dernière consultation le 14 juillet 2023).
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